Attractivité des professions soignantes : un chantier pris à bras le corps

Les structures hospitalières peinent aujourd’hui à attirer et à fidéliser les professions médicales et paramédicales. C’est un constat maintenant largement partagé. Des premières mesures d’urgence ont été prises lors du Ségur de la Santé de 2020. Mais le problème est complexe et les solutions viendront d’un travail en profondeur que les acteurs hospitaliers ont pris à bras le corps.
Mobilisation de tous face aux pénuries de candidats
Les chiffres sont préoccupants, mais aujourd’hui, l’ensemble des acteurs est mobilisé pour relever le défi de l’attractivité.
Les établissements de santé n’arrivent plus à attirer. En fonction des villes et des établissements, cette pénurie de candidats pour les postes vacants touche différents profils : médecins, infirmiers, aides-soignants…
Selon une enquête de la Fédération hospitalière de France (FHF) de mai 2022 :
- 5 à 6 % des postes d’infirmiers (environ 15 000 postes) ;
- 2,5 % des postes d’aides-soignants (environ 5000 postes) ;
- et 30 % des postes de praticiens hospitaliers titulaires…
…sont vacants à l’hôpital.
Un phénomène amplifié par un taux d’absentéisme anormalement élevé de 10 à 12 % en 2022 (contre 7,4 % en 2012). La situation est maintenant clairement identifiée à tel point qu’il n’y a plus de déclaration politique sur l’hôpital qui ne place ce sujet comme priorité, comme en attestent les vœux 2023 du Président de République aux professionnels de santé ou les récentes déclarations du ministre de la Santé et de la Prévention.
Ce problème d’attractivité n’est pas à réduire à la question de la rémunération. En partie traitée par les mesures du Ségur de la Santé de 2020, la situation ne s’est pas inversée pour autant. Le sujet est plus complexe. Ce qui éloigne aujourd’hui les professionnels des établissements, ce sont les conditions de travail. Et le nombre croissant de postes vacants, qui font reposer l’activité des services sur une équipe de plus en plus restreinte, aggrave la situation. L’enjeu est donc de sortir du cercle vicieux.
Une base saine
Les établissements gardent un atout : les métiers de la santé ont du sens.
Si la situation est très compliquée pour de nombreux établissements, les responsables RH peuvent heureusement compter sur quelques atouts : « Nous n’avons pas de problème pour attirer les jeunes dans les filières, ni de déficit d’image, explique Sophie Marchandet, responsable des Ressources humaines à la FHF. Les métiers de la santé ont du sens, par essence. » Les études en soins infirmiers représentent d’ailleurs la première filière choisie sur Parcoursup, par les futurs bacheliers. De même, selon une enquête du Comité éthique de la FHF réalisée en juillet 2022, 80 % des agents hospitaliers ont « un sentiment de fierté pour leur travail et 91 % un sentiment d’utilité ». Reste à les garder dans les établissements.
Plan de bataille
La FHF a identifié trois objectifs opérationnels pour agir.
Beaucoup d’établissements travaillent sur ce sujet et la FHF elle-même a engagé un travail de fond depuis plusieurs années. Dernière contribution en date : la publication, en ce début d’année, d’un « Plan de bataille pour les Ressources humaines », qui se décompose en trois objectifs opérationnels :
- Augmenter le nombre de professionnels formés, et ce, dès aujourd’hui ;
- Travailler sur une meilleure coordination entre les professionnels pour prendre en charge les besoins nouveaux entre la ville et l’hôpital, entre les secteurs public et privé et entre les métiers du soin ;
- Mener une politique d’attractivité et de fidélisation pour les postes hospitaliers (rémunération et conditions de travail et de management).
L’un des objectifs est d’aboutir à une « sécurisation des organisations de travail, ce qui permettrait d’offrir une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle », poursuit Sophie Marchandet. Un travail sur les avantages sociaux et sur l’accès au logement est également en cours.
En savoir plus
Télécharger le « Plan de bataille pour les Ressources humaines 2023 » de la Fédération hospitalière de France https://www.calameo.com/fhf/read/0037957023a19843d855a
La situation est préoccupante et impacte durement les établissements et leurs équipes. Mais le problème est identifié et les différentes parties prenantes sont mobilisées pour recréer une dynamique positive. Le chemin va être ardu, mais, comme le montre SantExpo à travers son programme et la variété des exposants qui traitent le sujet, le mouvement de réaction est en œuvre.
Accueil des stagiaires en formation aux métiers d’infirmiers : miser sur l’accompagnement !
Si les études en soins infirmiers sont la première filière choisie sur Parcoursup par les futurs bacheliers, beaucoup d’élèves infirmiers ne vont pas au bout de leurs études. Des solutions, tel que l’accueil et le traitement des stagiaires, sont identifiées et à mettre en œuvre rapidement.
La vacance des postes a d’autres conséquences, non négligeables sur l’attractivité des établissements de santé : l’accueil des stagiaires. Les cas de maltraitance et de harcèlement lors des stages sont aujourd’hui ouvertement dénoncés. « Les professionnels n’ont plus le temps d’encadrer des étudiants », alerte Manon Morel, présidente de la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (Fnesi). « C’est un cercle vicieux, complète Sophie Marchandet de la FHF. Les étudiants en soins infirmiers (ESI) qui viennent en stage et se trouvent mal encadrés, peuvent renoncer à l’exercice infirmier ou à l’exercice en structure. »
La solution ? Créer les conditions d’un véritable « appel d’air » et, ainsi, retomber dans un cycle positif. Les infirmiers en poste auront ainsi davantage de temps à consacrer aux étudiants, etc. Cela implique toutefois d’allouer des moyens à la formation des tuteurs, car ce type d’encadrement ne s’improvise pas.
Parmi les solutions à mettre en place, celle des avantages sociaux (notamment les places en crèches, les transports). Pour les étudiants en soins infirmiers, la Fnesi plaide pour que la poursuite des études vers toutes les spécialités infirmières soit possible immédiatement après l’obtention du diplôme d’État (DE), et non après deux à trois années d’exercice [depuis la rentrée 2022, les études d’infirmier de bloc opératoire (Ibode) sont en accès direct post-DE, NDLR]. « Il faudrait également augmenter les indemnités de stage, car cela joue sur l’attractivité », fait savoir Manon Morel, précisant que 12 % des ESI arrêtent leur formation en raison de difficultés financières.
Attirer les internes en médecine générale dans tous les types d’établissements
Là aussi, il parait nécessaire de revaloriser les postes d’internat en médecine générale. Et de faire comprendre que la qualité de la formation ne dépend pas de la taille de l’établissement.
Du côté des médecins généralistes, « que ce soit en libéral ou à l’hôpital, de plus en plus d’internes se disent qu’ils ne vont peut-être pas garder le même type d’exercice toute leur vie », constate Raphaël Presneau, président de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG). En médecine générale, l’exercice hospitalier reste minoritaire dans les perspectives de carrière « mais il s’agit tout de même de notre réalité pendant l’internat », rappelle-t-il. Certains internes sont amenés à exercer dans des hôpitaux de petites et moyennes tailles car peu d’offres de stage de médecine générale circulent au sein des CHU. « Mais en l’absence d’universitaires dans ces établissements, cela est parfois vécu comme un saut dans l’inconnu concernant notre formation, explique Raphaël Presneau. Nous nous interrogeons aussi sur notre hébergement. Cela impacte finalement nos choix de stage, donc nos futures installations. » Et de conclure : « L’enjeu pour ces petites et moyennes structures est de faire comprendre aux internes que leur taille ne va pas nécessairement impacter la qualité de leur formation. »
« Il faut expérimenter pour devenir attractif »